Denny Imbroisi est l’un des chefs les plus talentueux parmi la jeune génération. Sa personnalité solaire, son sourire permanent et son énergie débordante font de lui un chef charismatique, attachant et inspirant.

Au coeur de la philosophie de sa cuisine, on retrouve trois valeurs fondamentales sur lesquelles il a beaucoup insisté lors de notre rencontre : la transmission, le partage et la convivialité qu’il s’efforce de mettre en pratique au quotidien, auprès de ses équipes comme de ses clients. Ces principes se reflètent également dans sa cuisine italienne savoureuse et généreuse.

Pour faire rayonner sa passion de la cuisine auprès du plus grand nombre et permettre à chacun de s’évader en se régalant de bons plats aux saveurs du Sud, il a aussi édité trois livres de recettes dont je vous parlerai.

Découvrez le portrait du plus italien des chefs français !

(c) Le photographe du dimanche

De l’Italie à la France, un chef passionné et déterminé

Comme souvent en Italie, la cuisine est une histoire de famille. Pour Denny Imbroisi, elle commence à 14 ans aux côtés de son père, professeur de cuisine, qui l’initie aux recettes traditionnelles italiennes : la caponata, une sorte de ratatouille de légumes, la pollo alla diavola, une recette de poulet en crapaudine grillé et assaisonné de piment et d’ail ou les spaghettoni cacio e peppe, de petits spaghetti au fromage de brebis et au poivre noir. Les légumes ont aussi une place très importante et font partie des bases de la cuisine transalpine : artichauts, poivrons, tomates… Il garde un souvenir ému de cette période de sa vie.

 » Mon plus grand souvenir de cuisine, c’est quand j’ai préparé des tomates cerises confites avec mon père. On les assaisonne avec du sel, du poivre, un petit peu de sucre, de l’huile d’olive, des gousses d’ail, du thym, de la marjolaine et du basilic. Puis, on les met au four sur une plaque à 90° pendant une heure. J’étais émerveillé de vivre pour la première fois de ma vie la transformation d’un produit en quelque chose de plus élaboré et très gourmand. J’ai eu le sentiment d’être un magicien ! » Denny Imbroisi

La cuisine c’est sûr, il en fera son métier ! Il rejoint alors les cuisines du San Domenico à Imola, le premier restaurant italien à obtenir deux étoiles. Dans cet établissement, il apprend l’art de créer des pâtes fraîches. Après un passage chez Corrado Fasolato à Venise, où il a découvert la cuisine moderne, il quitte à 22 ans l’Italie pour la France, pays de la gastronomie qui le fait rêver depuis ses débuts.

(c) Le photographe du dimanche

En 2008, c’est auprès du chef argentin Mauro Colagreco du restaurant le Mirazur à Menton (3 étoiles) qu’il se perfectionne. Durant deux années, il l’accompagne dans ses voyages, découvre le travail des herbes et des fleurs qu’ils cueillent ensemble chaque matin : ciboule, roquette, ail des ours, bourrache, capucine, sauge, romarin ou oxalis. Cette nouvelle expérience très enrichissante élargit l’univers culinaire et développe le savoir-faire de Denny.

 » Mauro est le celui qui m’a appris le français et l’espagnol quand je suis arrivé en France ! A ses côtés j’ai beaucoup appris, il m’a fait énormément évoluer sur l’instinct de la cuisine. Chaque jour, on partait à 6 heures du matin au jardin pour cueillir des fruits et des légumes puis, on allait au marché pour acheter des produits frais et de saison. Quand on revenait au restaurant vers 9h30, c’est là qu’il décidait de ses recettes en fonction des produits qu’on avait ramenés : oignons nouveaux, cèpes, coquillages….en laissant parler son instinct pour élaborer une cuisine créative selon ses goûts et ses envies du moment. Mauro se réinvente en permanence au gré des saisons ! «  Denny Imbroisi

Il rencontrera ensuite le chef William Ledeuil, Ze Kitchen Galerie (1 étoile), chez qui il restera deux ans. A ses côtés, il apprend la rigueur et la précision en expérimentant des jeux de textures, des associations de saveurs inédites, de nouveaux modes de cuisson.

« Pour moi William est quelqu’un de très rationnel, il est à l’opposé de Mauro. Il réfléchit énormément avant de réaliser un plat. Il étudie avec minutie les goûts, les assaisonnements, l’association des couleurs et des saveurs dans l’assiette, comme par exemple utiliser de l’orange, de la carotte et du curcuma pour assaisonner un carpaccio. C’est une cuisine du condiment, méthodique et gourmande.  » Denny Imbroisi

Fort de tout cet apprentissage, il intègre l’émission Top Chef en 2012 qui le révèlera au grand public. Sa personnalité joviale, son inventivité et sa dextérité en font un candidat très remarqué.

Après son aventure dans Top Chef, il intègre l’équipe du Jules Verne d’Alain Ducasse (1 étoile) en tant que sous-chef….à 24 ans ! Dans ce prestigieux restaurant gastronomique perché au deuxième étage de la Tour Eiffel, Denny affine son sens de la justesse et de la maîtrise technique. Il découvre aussi les rouages d’une brigade d’une trentaine de personnes, la gestion des coûts et les relations avec les producteurs.

 » Quand j’ai travaillé chez Alain Ducasse, j’ai adoré cette cuisine à base de jus, de bouillon, de sauces, de mijotés, j’ai affiné mes techniques de cuisson des viandes et des poissons. Il m’a aussi fait grandir en me faisant rencontrer beaucoup de monde. Ces rencontres ont été très importantes pour la suite de ma carrière car comme me l’a appris Alain le premier jour de mon arrivée : dans la vie, il faut le savoir-faire mais aussi le faire-savoir.  » Denny Imbroisi

Cette dernière expérience lui donne les clefs pour se lancer dans sa nouvelle aventure : l’ouverture en 2015 de son premier restaurant à Paris : IDA, du nom de sa soeur aînée et de sa grand-mère, qui mêle à la fois ses origines italiennes et son amour pour la France et reste sa maison mère.

« IDA est le reflet de toutes mes expériences culinaires, un mélange entre l’Italie et la France, mes deux pays de coeur, deux nations magnifiques qui partagent le goût de la gastronomie et le font rayonner dans le monde entier. Ici, vous trouverez des recettes italiennes traditionnelles que j’adore, auxquelles j’ai ajouté des touches de la cuisine française. C’est une cuisine italienne aux accents français. Depuis l’ouverture, les carbonara* sont le plat signature chez IDA. C’est un grand succès ! Ce qui les rend spéciales, c’est peut-être l’ajout du « parmesan des pauvres », une chapelure qu’utilisait aussi ma mère dans ses pâtes. » Denny Imbroisi

[*Carbonara chez IDA : des pâtes al dente, bardées d’une fine tranche de guanciale (joue de porc), recouvertes de grana padano râpé et d’un majestueux jaune d’œuf coulant liant le tout merveilleusement. La touche de Denny Imbroisi : une chapelure de pain cuit dans du beurre clarifié et du poivre.]

Photo de gauche : (c) Le photographe du dimanche

Fort du succès de son premier restaurant, il continue sur sa lancée et en ouvre deux autres toujours à Paris : Epoca, en 2017, une trattoria où le Chef propose les meilleures recettes italiennes traditionnelles, dont les artichauts à la juive (artichaut frit), un plat traditionnel de la cuisine juive romaine, dont il est particulièrement fier :  » Pour les faire, j’utilise la technique française dite « des pommes soufflées » que j’ai apprise chez Alain Ducasse. Je plonge l’artichaut entier la tête en bas, dans deux bains d’huiles chaudes, l’un à 160° et l’autre à 190°. Résultat : à l’extérieur, les feuilles de l’artichaut sont très croustillantes, visuellement on dirait presque une rose des sables et à l’intérieur, le coeur est super moelleux. Je l’assaisonne avec un peu de sel, du poivre et une vinaigrette légèrement acidulée. Un régal ! » Denny Imbroisi

Enfin, en 2019, il ouvre son troisième restaurant parisien : Malro. Ici, le Chef dépasse les frontières de l’Italie et met les saveurs de tout le Sud au cœur de la carte (Italie,Espagne, Grèce, Tunisie, Liban…) pour vous emmener dans un voyage gustatif en Méditerranée.

Au-delà de l’Italie, il m’a confié que son prochain projet sera peut-être en lien avec l’Asie  » J’ai de plus en plus envie d’Asie ! Il y a quelques jours j’ai préparé un pesto de basilic thaï dans lequel j’ai ajouté du thon façon tataki, une huile vierge de sésame noir, du vinaigre balsamique soja. C’est un mélange de cultures fantastique qui te fait voyager, amène de la créativité et de l’innovation en cuisine et s’inscrit dans l’ère moderne de la mondialisation. » Denny Imbroisi. Voilà une idée qui me séduit beaucoup et je souhaite de tout coeur à Denny d’ouvrir un jour ce restaurant italo-asiatique !

Autre projet qui tient à coeur de Denny : une collaboration avec Apérol : « J’adore boire du spritz et j’aimerais beaucoup collaborer avec Apérol. Ce partenariat aurait du sens pour moi car le spritz c’est un apéritif italien très populaire qui incarne la la convivialité, tout ce que j’aime ! »

Une cuisine italienne entre tradition et modernité

Dans ses trois établissements parisiens, IDA, Epoca et Malro, Denny propose une cuisine savoureuse empreinte de ses origines italiennes et excelle à créer une atmosphère conviviale, reflet de sa personnalité solaire et de l’énergie positive qu’il dégage.

« Je pense qu’il faut vivre en étant au maximum positif, c’est ma conception de la vie. Mais c’est aussi une question d’éducation. Dans ma famille, le sourire, la générosité et le partage font partie de notre ADN, c’est ce que mon père et ma mère m’ont transmis depuis mon plus jeûne âge et je l’ai intégré à ma façon d’être. Je trouve que quand on distribue et qu’on partage le sourire et la joie de vivre, on reçoit aussi la même chose en retour.  » Denny Imbroisi

Il a aussi le goût du bon produit. Il aime aller chercher ses produits au marché et faire évoluer sa carte en fonction des produits de saison. Vous le croiserez peut-être sur le marché du Président Wilson, situé juste en face du Palais de Tokyo, dans le 16è arrondissement, où il se rend tous les mercredis et samedis matin.

« Aller au marché est toujours une grand source d’inspiration pour moi ! Les couleurs de tous ces fruits et légumes sont un émerveillement que je travaille ensuite dans mes plats et que vous retrouvez dans l’assiette : le rouge des betteraves chioggia, le bleu-violacée du radis bleu, le rose vif et la chair blanche du radis rose, le rouge grenadine de la chair du radis red meat, le rouge, jaune, orange, vert des tomates qu’on trouve encore jusqu’en septembre. » Denny Imbroisi

Passionnée par le processus créatif, j’ai voulu savoir quelles sont pour Denny, les grandes étapes de la création d’un plat avant d’être mis à la carte ? « Pour réussir un plat, il faut cinq éléments indispensables que l’on adapte en fonction des saisons bien sûr. Si on prend un plat à base de protéines, il faut : une protéine (viande ou poisson), une sauce ou un jus qui va amener la liaison du plat, un légume, une purée et un fruit (câpre, olive, mirabelle, figue…). Avant de mettre un plat à la carte, j’aime expérimenter par moi-même et en même temps, recueillir des avis de clients qui sont très importants pour moi car ils me permettent de m’améliorer, de progresser dans ma cuisine. » Denny Imbroisi

Denny travaille avec son cœur et ça se sent dans ses assiettes : sa cuisine est gourmande, généreuse, colorée et s’inscrit dans la transmission de sa famille. « Pour transmettre une émotion, il faut parfois aller chercher dans le souvenir d’une petite histoire qui te lie à un plat. C’est ce que j’ai voulu faire en ajoutant le « parmesan des pauvres » aux carbonara [une chapelure de pain cuit dans du beurre clarifié], en pensant aux pâtes que me préparait ma mère. » Ses plats sont aussi bons gustativement que beaux visuellement :  » Je suis aussi très attentif au choix de la vaisselle, sa forme, couleur, son touché. Je suis aussi vigilant quant au résultat visuel dans l’assiette, une fois le plat dressé afin de créer une harmonie et de la beauté au premier regard car on déguste d’abord avec les yeux. C’est pareil pour la verrerie. «  Denny Imbroisi

Son plat préféré ? Les lasagnes et les gnocchis de sa mère à la sauce tomate et mozzarella filante. Un plat typique que son père servait aussi dans son restaurant en Calabre qui s’appelle « les Penne alla milleluci » : des penne accompagnées de tomates cerises et de mozzarella di buffala fumée et de piment peperoncino. Côté dessert, Denny avoue être un très grand gourmand et avoir un faible pour le tiramisu ! Ces recettes figurent d’ailleurs dans ses livres de recettes, autre aspect que nous avons abordé pour terminer cette joyeuse et riche rencontre.

Les trésors culinaires du Chef : ses livres de recettes

Vous l’avez compris, Denny Imbroisi est un chef généreux, un travailleur acharné qui bouillonne de projets : « Je crois dans le travail ! Je suis passionné par mon travail et je ne compte pas mes heures. Je pense que pour réussir dans quelque chose il faut être obsédé par ce que l’on entreprend. Répétition, obsession et constance sont des qualités essentielles à la réussite et qui permettent d’atteindre le bonheur. C’est à chacun de provoquer sa chance, son succès. «  Denny Imbroisi

Il aime plus que tout transmettre et vous l’avez compris, excelle à instaurer une atmosphère conviviale. D’ailleurs, lorsque je lui ai demandé quelle est la plus grande leçon qu’il a apprise en tant que chef cuisinier ? Il me répond sans hésiter :  » Le partage ! Partager nos émotions, notre savoir-faire est une source de bonheur pour moi, c’est un réel plaisir. Je pense que c’est dans le partage que l’on s’enrichit, que ce soit au niveau des connaissances que de son équilibre personnel. Le partage est une clé du bonheur ! » Denny Imbroisi

Dans cet esprit de partage, pour faire découvrir son univers culinaire et ses recettes coups de coeur, il a publié trois livres de cuisine hauts en couleur : L’Italie de Denny Imbroisi paru aux Éditions Alain Ducasse en 2016, puis chez le même éditeur, La Pasta è la Vita en 2017, et en 2021, Une Table au Soleil, manger en Méditerranée, publié chez Webedia Books.

 » Mon premier livre [L’Italie de Denny Imbroisi] était un peu « égoïste », en ce sens qu’il réunit mes recettes italienne préférées, dont certaines sont servies dans l’un de mes restaurants, IDA, comme les spaghetti alla carbonara ou le vitello tonnato. Mon second livre [La Pasta é la Vita] est dédié aux pâtes italiennes : pâtes fraîches, pâtes sèches et aussi des recettes de risotto et de gnocchi. Mon troisième livre [Une Table au Soleil, manger en Méditerranée], je l’ai fait pour les autres, pour leur permettre de s’évader et faire un voyage en méditerranée à travers une cuisine gourmande, généreuse et savoureuse, comme celle d’une maman. Retranscrire les grands classiques de la Méditerranée, cela signifiait énormément pour moi ! J’ai appris beaucoup de choses en faisant ce troisième livre. Chaque voyage dans un pays de la Méditerranée a été l’occasion de rencontrer des gens, souvent sur les marchés, qui m’ont fait découvrir leurs produits locaux et toutes leurs subtilités, comme par exemple le zaatar en Tunisie.  » Denny Imbroisi

Pour terminer cet entretien, Denny a souhaité remercier ses équipes qui participent grandement à sa réussite :  » J’aime m’entourer de gens passionnés, souriants et attentifs comme moi. J’essaye de fédérer mes équipes autour de cette passion commune de la cuisine italienne et de la satisfaction client. Merci tout d’abord à Sixtine, mon bras droit, mon ange gardien, elle s’occupe de l’organisation tous mes rendez-vous professionnels et fait le lien avec tout le monde. Merci aussi à Angelo Leone, mon sous-chef qui vient de mon village natal en Calabre. Merci à Fabien et à Mourad qui sont au service en salle qui ont toujours le sourire et sont très attentifs avec les clients. Un merci particulier à Salou qui a commencé comme plongeur chez IDA, il est maintenant chef de partie et s’occupe des cuissons, je suis très fier de son parcours. » Denny Imbroisi

J’ai adoré cette rencontre avec Denny Imbroisi ! Merci Chef pour votre générosité, votre bonne humeur, le temps accordé et la qualité de notre échange !

Grazie mille e a presto !

Queen Z

Photo de Une : (c) Le photographe du dimanche