Sa façade extérieure modeste ne laisse rien présager de la splendeur du lieu. On pourrait presque passer devant sans voir le théâtre. Et pourtant, s’il est un lieu qui m’a totalement éblouie et plongée dans le faste d’antan de Venise, c’est La Fenice, l’un des plus prestigieux théâtres d’opéra qui existe au monde.
La Fenice s’est toujours distingué en Italie et en Europe par son architecture somptueuse et par la grande qualité de sa programmation artistique. Rossini composa son premier chef d’œuvre « Trancredi » pour la Fenice, Bellini composa deux oeuvres et Verdi créa la Traviata. Quant à la grande Maria Callas, dont le destin est intimement lié à la Fenice, elle y a débuté en décembre 1947 avec le drame de Wagner « Tristan et Isolde » et y joua sept ans de récital !
Ce théâtre porte particulièrement bien son nom et son histoire est assez incroyable. Je vais vous la faire découvrir en souhaitant que cela vous donne envie d’aller le visiter.
Un théâtre au destin flamboyant
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la Sérénissime est marquée par un dynamisme culturel très fort. C’est à cette époque que les riches familles vénitiennes commencent à financer des salles de théâtre pour que les opéras soient joués en public. Elles affichent ainsi leur richesse à travers l’architecture des lieux et la magnificence des décors. Parmi ces grandes familles, les Grimani qui firent construite le San Benedetto (la future Fenice). Par la suite, pour des raisons économiques, les Grimani durent céder le théâtre aux propriétaires de loges (société constituée des citoyens les plus illustres et aisés de Venise). Peu de temps après, le théâtre brûla en 1773.
C’est par les cendres du San Benedetto que renaît donc le grand théâtre auquel on donna le nom d’un splendide oiseau mythologique : Phénix (Fenice en italien). Cet oiseau de feu semblable à un aigle royal avec de magnifiques plumes couleur or sur le cou, rouge sur le corps, bleu et rose sur la queue est à l’image du décor rococo flamboyant du théâtre. C’est aussi un oiseau légendaire dont on raconte qu’il renaît toujours de ses cendres. En cela, il fait écho à la vie du théâtre Fenice qui a été la proie des flammes à deux reprises et à chaque fois il a été reconstruit ! La Fenice est l’oeuvre de Gian Antonio Selva, un des architectes néoclassiques italiens les plus appréciés de la fin du XVIIIe siècle et il fut ouvert au public en avril 1792.
La nuit du 13 décembre 1836, le théâtre fut ravagé une première fois par un grand incendie provoqué par le mauvais fonctionnement d’un poêle. Le feu dura 3 jours et 3 nuits et on ne put sauver presque rien. La noble société des propriétaires de loges décida de reconstruire le théâtre en confiant la tâche aux frères Giovanni Battista et Tommaso Meduna. Ils concentrèrent une grande partie de leur travail à récupérer quelques décorations de l’entrée et des salles apolliniennes, les seuls endroits épargnés par le feu (on appelle « salles apolliniennes » les cinq salles qui composent la Fenice, en dehors de la salle d’opéra). La fresque au plafond est confiée à Tranquillo Orsi. Le théâtre fut de nouveau ouvert au public le 26 décembre 1837.
Le 29 janvier 1996 un nouvel incendie ravage le théâtre. Cette fois, l’origine est criminelle : deux électriciens déclenchent le feu dévastateur pour éviter le paiement d’indemnités de retard. De nouveau, le théâtre est complètement reconstruit, selon le projet de l’architecte Aldo Rossi, un des plus grands innovateurs de l’architecture italienne contemporaine. La devise « Dov’era, com’era » (« telle qu’elle était et où elle était ») a guidé les travaux de reconstruction de La Fenice afin qu’elle soit une reproduction fidèle de la salle d’opéra conçue par les frères Meduna en 1837. Le 14 décembre 2003, le phœnix vole de nouveau et le théâtre est réouvert.
La splendeur des décors
Chaque pièce est un véritable enchantement !
Le foyer, c’est l’entrée principale et en même temps le lieu où les spectateurs s’entretiennent avant et après le spectacle. Le foyer de La Fenice est l’un des plus élégants et raffinés de son époque, décoré de fresques avec des stucs blancs, de grandes colonnes en marbre et de très beaux lampadaires en cristal. C’est le seul lieu du théâtre véritablement d’origine qui a en grande partie miraculeusement survécu aux incendies de 1836 et 1996.
La salle de théâtre est un chef d’œuvre de l’architecture italienne de style rococo. Les 174 loges qui composent ce théâtre (soit 1126 places assises) sont parfaitement semblables et décorées avec élégance. Tout est doré en or pur massif, ce qui donne un effet flamboyant ! Le plafond est en soi une œuvre d’art par ses dimensions et la complexité de sa réalisation. Il est complètement plat bien qu’à première vue il ne le semble pas : une série de cercles concentriques de différentes tonalités de bleu crée l’illusion optique d’une coupole. Ce bleu représente le ciel qui est enrichit de trois figures féminines allégoriques qui représentent l’aurore, la musique et la danse.
La loge royale n’existait pas au départ pas car toutes les loges étaient en tous points semblables (même taille, même décoration). La première loge impériale fut construite en 1807 pour accueillir l’empereur Napoléon Bonaparte qui vint à Venise pour assister à la cantate du jugement de Jupiter. Pour cela, on du abattre les six loges centrales. En mars 1848, les mouvements révolutionnaires qui bouleversèrent l’Italie traversèrent aussi la Vénétie et conduisirent à la déclaration d’indépendance de la nouvelle république de Venise qui avait été annexée en 1815 à l’Autriche. Pour mettre l’accent sur cet important évènement politique, on décida d’abattre la loge impériale pour reconstruire à sa place les 6 loges, redonnant ainsi à la salle son aspect d’origine. En août 1849, Venise fit de nouveau partie du gouvernement impérial autrichien et le théâtre subi la destruction des six loges et la construction d’une nouvelle loge impériale semblable à la précédente qui s’acheva en janvier 1850. Mais l’histoire ne s’achève pas là car en 1866, Venise et la Vénétie entrèrent dans le royaume d’Italie. La loge impériale devint ainsi la loge royale. Cette fois, on abattit rien, on ajouta seulement dans la décoration deux écussons de la famille royale de Savoie. En 1946, elle sera à nouveau simplifiée à l’occasion de la proclamation de la République italienne et de l’exil de la famille royale.
Du point de vue architectural, la loge royale est un écrin en style baroque, une petite pièce toute en velours et or. Dans les coins, en haut, 4 putti de couleur ivoire soutenus par des candélabres en bois doré. Au plafond, une reproduction du tableau « Apothéose de la science et des arts ». Deux miroirs placés sur les murs, l’un en face de l’autre augmentent la perception de l’espace en créant le célèbre « effet de galerie » qui donne l’impression de se perdre à l’infinie.
Enfin, les 5 salles apolliniennes. Elles sont appelées ainsi car elles étaient décorées avec des scènes s’inspirant d’Apollon, le dieu grec protecteur des arts, de la musique et du chant, de la beauté masculine. Autrefois ces salles étaient fréquentées par le beau monde vénitien. C’était un lieu de rencontres et d’échanges très exclusif : on prenait le thé, on jouait aux cartes, au billard, on discutait de politique d’affaires et de jolies femmes. Le théâtre était donc à la fois un lieu de représentation artistique et aussi un centre vital de la haute société. Aujourd’hui ces salles accueillent les spectateurs à l’entracte qui se retrouvent au bar situé dans la salle Dante. Ce sont aussi des salles de séminaire et de concerts de musique de chambre.
Pour compléter cet article, je vous invite aussi à feuilleter mon album Flickr : La Fenice à Venise
Bonne visite !
Princess Zaza
À propos
Rêveuse, idéaliste, curieuse et gourmande de la vie en général, j’aime partir à la découverte des nouveaux lieux gourmands et évènements culturels, mais aussi à la rencontre des gens à travers de nombreuses interviews et explorer de nouveaux horizons.
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