La Bourse de Commerce – Pinault Collection est un musée dans lequel sont exposées des oeuvres d’art contemporain issues de la collection personnelle de François Pinault.

A voir jusqu’au 26 septembre 2022, l’exposition « Une seconde d’éternité » qui m’a beaucoup intéressée et émue.

L’exposition « Une seconde d’éternité » questionne notre rapport au temps

Obsédée par le temps et très sensible à la poésie, le titre de cette exposition, « Une seconde d’éternité », a forcément retenu mon attention et attisé ma curiosité. Il est emprunté à une œuvre de 1971, conçue par l’artiste belge Marcel Broodthaers : Une seconde d’éternité (d’après une idée de Charles Baudelaire).

Les oeuvres présentées nous invitent, de manière plus ou moins facile, à redéfinir les limites de l’espace spatio-temporel et réfléchir à notre rapport au temps pour mieux appréhender ses différentes dimensions et en capter toute son intensité : de l’urgence de l’ici et maintenant à la quête d’un insaisissable infini.

A travers le parcours de l’exposition, on fait l’expérience du temps, du côté éphémère de chaque moment vécu, de la puissance de l’instant et de la contemplation. On se rend aussi compte que tout évolue, se transforme, se recycle. L’art devient alors un trait d’union entre le passé, le présent et le futur !

Quand vous visiterez l’exposition, prenez donc le temps de la recherche de sens face à une œuvre pour voir ce qu’elle éveille en vous en termes d’émotions et de questionnements.

N’hésitez pas à participer à une visite éclairage de 20 minutes (compris dans votre billet) avec un des médiateurs du musée, reconnaissables à leurs tee-shirts violets, ou les solliciter pour une visite flash si vous avez une question sur l’une des oeuvres, sur l’histoire du bâtiment, l’art contemporain….Ils sont là pour vous accompagner dans votre visite et vous donner quelques clés de compréhension si besoin.

Autre aspect fascinant de l’exposition, c’est qu’elle évolue au fil « du temps » avec des performances artistiques différentes chaque mois ! Et aussi, certaines œuvres changent ou prennent vie en fonction de la participation des visiteurs. Ces derniers deviennent alors partie intégrante de l’œuvre. C’est le cas de l’installation ouverte de Rudolf Stingel (un mur sur lequel les visiteurs peuvent laisser des témoignages personnels) ou celle des « quasi-objets » de Philippe Parreno (les visiteurs s’amusent à déplacer de gros ballons en forme de poissons).

Voici un aperçu de ce que vous verrez en ce moment :

A l’entrée, deux oeuvres de Felix Gonzalez-Torres. Le travail militant de cet artiste engagé est marqué par son époque, notamment l’épidémie du Sida et la discrimination à l’égard de la communauté gay :

  • Untitled (Go-Go Dancing Platform, 1991) : cinq minutes par jour un Go-Go Dancer se présente à l’improviste, uniquement vêtu de baskets, d’un short argenté et d’un casque relié à un walkman. Il danse sur une plateforme blanche bordée d’ampoules, au rythme d’une musique que lui seul entend, avant de repartir aussi prestement qu’il est arrivé. Une façon d’incarner la brièveté et l’intensité de la vie, antidote à la disparition des corps décimés par le Sida,
  • Untitled (Portrait of Robert Vifian, 1993) : une énumération de mots et de nombres courent le long des murs formant une longue frise composée d’évènements et de dates. Au fil des mots s’ébauche le portrait de Robert Vifian, collectionneur d’art et gérant d’un restaurant vietnamien à Paris. La particularité de ce portrait est le droit de modification accordé par l’artiste à son propriétaire. Ce dernier est libre de changer la composition de l’oeuvre afin de rendre compte de l’évolution de l’individu et du contexte sociopolitique.

Dans la Rotonde, vous découvrirez un dispositif créé par Philippe Parreno : la projection de la vidéo Anywhere Out Of World, 2000 sur un écran géant présentant le personnage japonais de fiction Annlee, associé à la performance de jeunes artistes qui incarnent Annlee face aux visiteurs, brouillant ainsi la frontière entre réalité et fiction.

Plusieurs scénarios peuvent se dérouler, dont le visiteur est une variable car un bioréacteur sensible à l’environnement (température, bruit, humidité et intensité lumineuse) dirige les lumières, les sons….

L’oeuvre révèle ainsi la profonde dépendance de notre espèce à son milieu et invite le visiteur à envisager d’autres formes d’intelligences, de communication, de rapport au temps.

Au 2è étage, les trois triptyques de Rudolf Stingel. Cet artiste est connu pour dévoiler au public la méthode de production de ses oeuvres, permettant à chacun de reproduire ses tableaux et nous interrogeant ainsi sur la notion d’auteur. On peut imaginer que les marques visibles en relief sur l’oeuvre présentée ont été laissées par des visiteurs désormais absents, dont l’oeuvre conserve les empreintes, fixant ainsi pour l’éternité leur passage éphémère.

Vous découvrirez aussi :

  • un photogramme de l’artiste Liz Deschenes réalisé sans appareil photographique mais en exposant directement des papiers photosensibles à la lumière de la lune. Le papier prend alors une teinte argentée, miroitante,
  • une oeuvre de Larry Bell, Standing Walls II : 6 panneaux de verre gris trempé et 7 panneaux de verre transparent qui créent un jeu de parois où le visiteur apparaît et disparaît successivement, voyant ainsi son image alternativement absorbée comme transportée vers un monde fantomatique aux limites floues,
  • une vidéo de Pierre Huyghe, One Million Kingdoms, 2001 qui met en scène Annlee, le personnage manga de la culture pop japonaise associé à des extraits du discours de Neil Armstrong lorsqu’il pose le pied sur la lune et des extraits de Voyage au centre de la terre de Jules Vernes. Le personnage se déplace au sein d’un environnement généré graphiquement par les paroles qu’il prononce montrant ainsi la perméabilité des histoires qui composent le tissu fictionnel de notre rapport au monde.

Ci-dessous une oeuvre dite ouverte de Rudolf Stingel, Untitled, 2001. Les visiteurs sont libres de s’exprimer en laissant un témoignage personnel sur la surface de l’oeuvre recouverte de celotex et de tuff R. lls peuvent écrire directement un mot, une phrase…en utilisant un feutre, un rouge à lèvre, en transperçant la surface, ils peuvent aussi planter un objet ou choisir toute autre forme de messages…. L’oeuvre change perpétuellement au gré des passages des visiteurs tout en gardant les traces du temps…Cela m’a fait penser à une sorte de graffiti collectif géant.

Ci-dessous l’installation des quasi-objets de Philippe Parreno composée de ballons gonflés à l’hélium en forme de poissons qui réagissent de manière inattendue à leur environnement, d’un piano synchronisé par un algorithme qui joue tout seul, et d’une lampe avec un abat-jour.

L’oeuvre est un mélange de rationnel « sous contrôle » et d’aléatoire « imprévisible ». Elle évolue en permanence, notamment selon les réactions des sujets (les visiteurs) qui vont jouer (ou pas) avec les objets (les ballons). A minima, le simple fait de traverser la salle crée un déplacement d’air qui modifie la place des ballons.

Cette notion de « quasi-objet », inventée par Michel Serres, désigne un élément, à mi-chemin entre l’objet inanimé et le sujet humain, qui peut influer sur les agissement de l’humain lorsqu’il l’utilise ou entre en contact avec l’objet.

Vous verrez aussi une photographie de Wolfgang Tillmans prise à travers le hublot d’un avion. La contemplation de cet instant capturé est quasi hypnotique et ouvre notre esprit vers un infini spatial et temporel. L’oeuvre fait partie des Vertical Landscapes, une série de photographies qui explorent les variations de couleurs et de lumières de l’atmosphère céleste.

Ci-dessous Repeating The Obvious, une oeuvre de Carrie Mae Weems, composée de 39 tirages numériques identiques représentant un jeune homme noir vêtu d’un sweat-shirt à capuche avec une figure floue comme pour inspirer la disparition. Un écho assez évident avec le mouvement Black Lives Matter qui dénonce les meurtres d’Africains-Américains perpétrés par des policiers et des civils blancs. On peut imaginer que l’oeuvre représente les fantômes passés et à venir des jeunes africains américains.

Dans la galerie suivante, plusieurs oeuvres s’offrent à votre regard :

  • 36 images monochromes bleues par Sherrie Levine et 12 fils électriques décorés d’ampoules par Sturtevant (réplique de l’installation Untitled America 1994 de Felix Gonzalez-Torres) : la répétition et la couleur plutôt sombre de la première oeuvre peut suggérer l’invisibilité, le temps long de la réflexion et les lumières identiques entrelaçées de la seconde peuvent faire penser à l’unité, à la prise de décision éclairée qui mène à l’action,
  • Gober Wedding Gown par Sturtevant : une robe de satin, mousseline, lin et acier soudé qui peut être vue comme un fantôme attendant éternellement une union.

La poésie des oeuvres de Felix Gonzalez-Torres et Roni Horn

Depuis avril 2022, est présentée l’exposition de Felix Gonzalez-Torres – Roni Horn, deux artistes majeurs de l’art contemporain. J’ai adoré, la poésie, la rêverie, la tendresse qui se dégagent de ces oeuvres. Elles m’ont fait penser à un champ de vagues rempli de quiétude, avec un côté céleste.

Je n’ai eu qu’une envie c’était de plonger dans ces vagues imaginaires pour aller jouer avec les dauphins puis en ressortir pour m’allonger au milieu des oeuvres en laissant mon esprit s’évader à quelques douces rêveries.

En pensant à cela, j’aurais adoré que le plafond soit animé avec des projections d’images représentant une mer de nuages pour renforcer l’émotion et le côté poétique.

La beauté de la Bourse de Commerce

La Bourse de Commerce est un édifice emblématique au coeur de Paris. Elle a été restaurée et transformée par l’architecte japonais Tadao Ando en musée d’art contemporain tout en préservant la beauté du bâtiment.

Le lieu est facilement reconnaissable à sa rotonde et à l’oeuvre de Charles Ray installée sur le parvis juste devant l’entrée (l’artiste s’est représenté lui-même à cheval).

Après avoir visité la Bourse de Commerce, je ne peux que confirmer que Tadao Ando a brillamment réussi le pari d’instaurer un dialogue entre le patrimoine et la création contemporaine, entre le passé et le présent, entre la collection de François Pinault et le visiteur.

Le saviez-vous ? Une bourse de commerce ou bourse de marchandises est un lieu, physique ou virtuel, où se négocient des marchandises.

Dans les vingt-quatre vitrines placées tout autour de le Rotonde, prenez le temps de vous laisser surprendre par les oeuvres amusantes de Bertrand Lavier, l’un des grands artistes français d’art contemporain. Son goût pour l’absurde, le pastiche et la parodie en fait l’un des plus directs héritiers de Marcel Duchamp. Pour créer, il s’inspire directement du quotidien et aime interpeler le public sur notre rapport au réel, au-delà de la valeur d’usage de l’objet.

Si vous regardez bien dans tous les angles, vous apercevrez une petite souris animatronique sortir du bas d’un mur qui peut illustrer notre besoin d’attention accru dans un monde où tout va très (parfois trop) vite et aussi, une horloge sans aiguilles (Chronos Kairos), deux oeuvres de Ryan Gander.

Faute d’indiquer l’heure, cette horloge peut symboliser notre course perpétuelle face au temps, la dictature de l’immédiateté, notre obsession à mesurer le temps, à tout vouloir compter au lieu d’être plus en adéquation avec la nature humaine, de savoir parfois prendre le temps…d’Etre.

L’exposition « Une seconde d’éternité », c’est LA sortie arty incontournable de cet été !

Informations pratiques :

Une seconde d’éternité : jusqu’au 26 septembre, à la Bourse de Commerce, 2 rue de Viarmes, 75001 Paris

Horaires : du lundi au dimanche de 11h à 19h.

Billets 14 €, 10 € tarif réduit.

Bon plan : devenez membre en achetant une carte à 35€ (pour une personne ou 60€ pour deux) qui vous permet d’accéder de façon illimitée et prioritaire à trois musées pendant 1 an : la Bourse de Commerce, le Palazzo Grassi et la Punta della Dogana à Venise et plein d’autres avantages à découvrir ici : Carte Membership Pinault Collection.

Pour terminer, je voudrais partager avec vous quelques citations en lien avec la notion du temps qui me plaisent particulièrement et témoignent assez bien de mon rapport au temps :

« L’amour ne veut pas la durée; il veut l’instant et l’éternité. » Friedrich Nietzsche.

« Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’instant. Autrement dit, le temps est une réalité resserrée sur l’instant et suspendue entre deux néants. ” Gaston Bachelard

« Le plus beau cadeau que tu puisses faire à quelqu’un, c’est ton temps. Parce que tu lui donnes une partie de ta vie qui ne te reviendra jamais. » Paulo Coelho 

« L’amitié, comme l’Amour, demande beaucoup d’efforts, d’attention, de constance, elle exige surtout d’offrir ce que l’on a de plus cher dans la vie : du temps ! » Catherine Deneuve

« Le temps s’écoule comme un flux qui percole à travers un réseau de possibles. » Michel Serres

« La patience est une vertu qui donne au temps sa chance. » Eric Fiat

« Je ne crois pas qu’il faut s’en remettre à l’espoir. Je crois qu’il faut s’en remettre au temps. Morpheus. Si tu veux connaître une chose, confie la au temps car le temps dit tout….

All we have is NOW!

Bonne visite et rappelez-vous que le bonheur est dans l’instant !

Princess Zaza

(c) Photo Chronos Kairos, Ryan Gander : Ryan Gander Chronos Kairos, 14.58, 2021 Acier inoxydable / Stainless steel 44 × 31,5 × 8,8 cm © Ryan Gander / Adagp, Paris, 2022 Courtesy de Ryan Gander et gb agency / Photo Aurélien Mole