Tristan de Bourbon-Parme (c) DR

Toute saga a son héros et le Brexit n’échappe pas à la règle ! Ce héros s’appelle (Alexander) Boris Johnson, actuel Premier Ministre du Royaume-Uni, plus communément appelé « Bo Jo». Cet habile communicant est connu pour ses formules chocs (« Let’s get Brexit Done », « Build Back Better »), ses mises en scène loufoques, son égo démesuré, son carriérisme et son opportunisme à toutes épreuves. Mais qui se cache vraiment derrière « Bo Jo » ?

Dans sa biographie, Boris Johnson Un européen contrarié (éditions François Bourin), Tristan de Bourbon-Parme décrypte avec talent, la personnalité haute en couleurs de ce dirigeant politique et son rapport « contrarié » à l’Europe. Observateur éclairé de la politique britannique, Tristan de Bourbon-Parme est journaliste correspondant au Royaume-Uni depuis décembre 2009 pour plusieurs quotidiens de presse nationale – La Croix et L’Opinion (France), La Libre Belgique (Belgique), La Tribune de Genève et 24 Heures (Suisse).

Au fil des pages, on apprend à mieux connaître Boris Johnson, homme érudit et fin stratège, bien loin de cette image de clown ou de bouffon qu’il cultive en permanence. Cet amoureux de l’Europe possède une forte culture européenne. On se rappelle de sa longue tribune publiée dans le journal conservateur The Telegraph au lendemain du référundum de juin 2016, dans laquelle il affirme que « la Grande-Bretagne fait et fera toujours partie de l’Europe« . Il est aussi l’auteur d’une brillante biographie de Winston Churchill, l’un de ses modèles avec Margaret Thatcher. Et pourtant, il est devenu le leader des eurosceptiques et l’incarnation du Brexit !

Cette dualité est à l’image des relations complexes et fluctuantes entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne depuis 1945. Le point d’orgue fût le résultat du référendum britannique du 23 juin 2016 sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne, qui mènera, plus de 4 ans plus tard, au Brexit.

Ce que j’ai particulièrement aimé c’est que Tristan de Bourbon-Parme s’attache à retracer les grandes étapes du parcours de Boris Johnson, de journaliste à Premier Ministre, en allant au-delà de la caricature à laquelle on le réduit trop souvent. Il montre aussi les imbrications avec l’évolution des relations entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne et met en lumière la part de responsabilité des dirigeants européens qui mènera progressivement au Brexit.

Pour cela, il s’appuie sur des faits historiques marquants bien choisis, agrémente la lecture de croustillantes anecdotes et a recueilli de nombreux témoignages de proches de Boris Johnson, de personnalités du monde politique, diplomatique et journalistique. Un superbe travail d’enquête approfondie qu’il faut saluer !

Ce regard croisé, mêlant biographie de Boris Johnson avec l’Histoire, fait de ce livre une lecture passionnante. Tristan de Bourbon-Parme apporte un bel éclairage sur un sujet assez complexe pour les non spécialistes et le rend accessible à tous. Il vous donne aussi des clés pour mieux comprendre comment en est-on arrivé jusqu’au Brexit ?

Délivré des réglementations européennes, quel est l’avenir du Royaume-Uni et celui de Boris Johnson ? Les prochains défis ? Où en est l’Entente Cordiale avec la France ? Autant de questions que j’ai posées à Tristan de Bourbon-Parme.  

Quel bilan faites-vous du mandat de Boris Johnson depuis sa nomination en tant que Premier Ministre le 24 juillet 2019 ? 

Tristan de Bourbon-Parme : Sur le plan interne, il a concrétisé le Brexit et obtenu deux accords avec l’Union Européenne (UE), le premier pour conclure la sortie de l’organisation européenne, le second pour signer un accord commercial de libre-échange. C’était son premier objectif. Evidemment, il a été rattrapé par une crise inattendue. Il n’a pas pris la pandémie de covid-19 au sérieux et il a presque fallu qu’il tombe malade et soit à la limite de la mort pour s’apercevoir de sa dangerosité. La réaction initiale du gouvernement a été catastrophique, comme nombre de ses voisins. Mais Boris Johnson est en train de réussir l’impossible : l’opinion publique lui est de nouveau favorable grâce à sa stratégie de vaccination tous azimuts. Le gouvernement britannique a signé très tôt des contrats d’achat de vaccins, bien plus en amont que l’UE. Cela a permis à ses fournisseurs d’être prêts. Il en tire aujourd’hui les bénéfices. Le Royaume-Uni dispose aujourd’hui du plus grand nombre de morts de toute l’Europe mais il pourrait être le premier pays à se sortir de la pandémie. Ce serait un succès indéniable pour Boris Johnson, qui pourrait, aux yeux du public, effacé partiellement son démarrage chaotique. 

Un accord a était trouvé in extremis avec l’Union Européenne. Le Royaume-Uni continue de négocier d’autres accords commerciaux avec d’autres pays comme il l’a déjà fait avec l’Australie, la Turquie, Singapour et le Japon. Peut-on dire que le Brexit va vraiment réussir ?

TBP : Cela dépend tout simplement des critères que vous prenez en compte. Aujourd’hui, tout le monde observe les conséquences économiques de l’accord commercial avec l’UE, qui sont négatives pour le Royaume-Uni : des pêcheurs et des agriculteurs ne peuvent plus vendre aussi aisément ou même ne plus vendre tout court à l’UE, des supermarchés d’Irlande du Nord manquent de produits frais. Mais c’est oublier que pour la plupart des Brexiters, redevenir indépendant vis-à-vis de l’UE primait sur l’économie. Et, comme je l’explique dans mon livre, les électeurs qui ont voté pour le Brexit savaient que l’économie nationale serait affectée à court et moyen terme par le Brexit. Ils ont néanmoins voté en faveur d’une sortie de l’UE car ils estiment qu’à long terme, le Brexit sera bénéfique au Royaume-Uni, et donc à leurs enfants. Pour une partie de la population, c’était un vote d’espoir.

Sera-ce le cas ? Difficile à dire car le Royaume-Uni aura bien du mal à s’extraire de l’attraction géographique de l’UE. Le Royaume-Uni et est restera un pays européen. Signer des dizaines d’accords commerciaux avec le reste du monde est un pas nécessaire mais pas suffisant pour s’assurer une croissance des échanges commerciaux avec les quatre coins du globe. Mais l’épisode des vaccins montre que la sortie de l’UE ne sera pas entièrement négative pour le Royaume-Uni.

Quels sont les plus grands défis qui attendent le Royaume-Uni et Boris Johnson dans les années à venir ?

TBP : Le Royaume-Uni va devoir se trouver une place dans le monde, en dehors de l’influence dont il bénéficiait en tant que membre de l’UE et en dehors du marché unique. Il sera tiraillé entre son attraction historique vers les Etats-Unis, l’UE à ses côtés et le grand large du Pacifique.

Boris Johnson a-t’il véritablement les moyens de ses ambitions (faire du RU la nouvelle plaque tournante de la mondialisation) ? Relance post-pandémie et Brexit sont-ils compatibles ?

TBP : Boris Johnson est méconnu, aussi bien dans son pays qu’à l’étranger. J’ai creusé sa carrière, ses écrits, et l’influence de ses prédécesseurs, pour montrer qu’il est un conservateur modéré – sur le Brexit comme sur le reste de ses ambitions politiques. Même s’il clame depuis des années vouloir réduire les impôts, ce n’est pas un thatchérien pur et dur : il ne transformera donc pas le Royaume-Uni en un Singapour-sur-Tamise. Donc oui, une relance économique post-pandémie est totalement compatible avec le Brexit. D’autant, qu’il sait devoir sa victoire lors de l’élection générale de décembre 2019 au soutien de nombreux électeurs travaillistes pro-Brexit. Ne pas investir dans les infrastructures de ces circonscriptions laissées à l’abandon l’affaiblirait fortement lors de la prochaine élection, prévue dans 3 ou 4 ans.

Quid de l’avenir politique de Boris Johnson, alors que le parti Conservateur a été durement éprouvé par les divisions ?

TBP : Aujourd’hui, aucun député conservateur n’est à même de le remplacer, même s’ils sont nombreux à se voir calife à la place du calife, comme souvent en politique. Aucun d’entre eux n’a son charisme. Le fait que la presse britannique croit voir son successeur et même son remplaçant potentiel en la personne du responsable des finances Rishi Sunak, un député sans aucune expérience mais dont le principal atout électoral est son allure de gendre parfait, montre bien le boulevard dont profite Johnson. Comme je le raconte dans le livre, son image de clown et de bouffon n’est qu’un masque ! S’il parvient à imiter l’un de ses modèles, l’ancien Premier ministre travailliste Tony Blair, et à devenir le Tony Blair de droite, c’est-à-dire en gouvernant au centre-droit, il restera au 10 Downing Street pour les dix prochaines années.

Où en est l’Entente Cordiale entre la France et le Royaume Uni ?

TBP : Des tensions sont apparues lors de la fin des négociations commerciales à la fin de l’année dernière. C’est tout à fait normal. L’entente cordiale est là pour durer, comme le nouveau dessert créé lors d’une coopération entre l’ambassade française à Londres et son homologue britannique à Paris veut le montrer (nldr le Paris-Londres). Elle est d’ailleurs renforcée par le respect et l’appréciation que se portent Boris Johnson et le président français Emmanuel Macron. Comme me l’a expliqué un proche de ce dernier, les deux hommes se parlaient presque tous les jours pendant les mois qui ont suivi l’irruption de la pandémie. Il n’y a pas de raison que cette proximité entre nos deux pays ne se poursuive pas. Tous deux y ont intérêt.

Un grand merci à Tristan de Bourbon-Parme pour le temps accordé et la qualité de l’échange. Je vous recommande vivement son livre pour tout savoir sur Boris Johnson et l’histoire du Brexit !

En France, le livre est facilement disponible : Boris Johnson, un Européen contrarié

Si vous êtes au Royaume-Uni, vous pouvez le commander soit sur Amazon ou sur le site de la Librairie française La Page (située à Londres).

Princess Zaza