(c) LN24

LN24, la première chaîne d’info en continu en Belgique, a été officiellement lancée le 2 septembre dernier, depuis le Parlement Européen. J’ai suivi avec grand intérêt cette émission spéciale retransmise en direct. J’ai été immédiatement séduite par Catarina Letor, l’une des journalistes et présentatrices qui co-animait cette soirée aux côtés de Maxime Binet.

J’ai aimé le fait de découvrir en plateau une jeune journaliste, son sourire, son dynamisme, le ton employé, son aisance naturelle pour lancer les sujets et distribuer la parole aux invités en plateau. J’ai eu envie dans savoir plus sur son parcours, sa passion pour le journalisme et ses débuts à LN24.

Je la remercie d’avoir accepté cette interview et pour le temps qu’elle m’a accordé.

Quel âge avez-vous et quel est votre parcours ?

CL : J’ai 27 ans. Ma carrière de journaliste a démarré il y a 4 ans, auprès du directeur artistique Franco Dragone, et des rédacteurs en chef de la revue belge de grands reportages 24h01. Je jonglais alors entre l’un et l’autre.

Après deux mois passés en Turquie aux côtés de Franco en tant qu’assistante, j’ai souhaité me replonger dans le journalisme « pur et dur » ! L’actualité, l’adrénaline, la voix et les mots me manquaient. J’ai postulé auprès du groupe RTL, au JT plus particulièrement. J’y ai travaillé neuf mois avant de rejoindre la radio. Ce qui est assez ironique, c’est que le JT m’a écartée car je n’étais « pas suffisamment compétente ». Heureusement, j’ai écouté ma voix intérieure et surtout celle de mon entourage « Fonce ! Tu es pile poil faite pour ça ! ». Ok, je continue.

Après la radio, c’est la télévision locale bruxelloise qui m’a proposé un contrat. J’y ai travaillé deux ans en tant que journaliste et présentatrice. Retrouver un cocon de confiance, plus intimiste et serein m’a été extrêmement bénéfique, et je remercie mes ex-collègues pour leur bienveillance. Après deux ans, le rythme du « natio » me manquait à nouveau. Je rêvais de nouvelles aventures, mais lesquelles ? En Belgique, ce serait quitter un média traditionnel pour un autre média traditionnel. À quoi bon ? J’aspirais à plus de liberté, plus de sens et plus d’humain.

C’est là qu’un certain Martin Buxant m’a proposé un café pour me parler d’un projet totalement inédit, tout à fait hors cadre. Si ça me tentait ? Et comment ! 

Ci-dessus Catarina Letor qui reçoit Philippe Close, Bourgmestre de la Ville de Bruxelles en interview pour un Facebook Live en amont du lancement officiel de la chaîne LN24.

Pourquoi avoir choisi le journalisme, est-ce une vocation ? avez-vous été inspirée par un(e) journaliste en particulier ? 

CL : J’ai toujours été séduite par la puissance des mots. Petite, je rêvais de grandir pour enfin être capable d’écrire. Un jour, je suis même rentrée chez moi en criant pour annoncer à ma mère qu’on avait enfin écrit une histoire en classe : « Dans ma classe, il y a onze garçons, 12 filles, et une tortue ». Heureuse avec un rien…(rire). Ensuite, vers mes 10 ans, j’ai écrit ma première petite fiction « Polaine et le nain magique ». J’ai demandé à ma mère s’il existait un métier qui me permette d’écrire des histoires. Elle m’a répondu que pour inventer des récits, je pouvais être romancière, écrivain, auteur. Je n’aimais pas le terme « inventer ». « Mais, je veux dire la vérité moi. Pas inventer », « Alors, tu peux être journaliste ». Et voilà, ça ne m’a plus quittée. À douze ans, en quittant l’école primaire, j’ai reçu un livre signé de mes professeurs. Ils avaient inscrit « à la future speakerine ». Je ne savais pas ce que le mot voulait dire, mais aujourd’hui, ça me fait sourire.

Pour ce qui est de l’inspiration… Florence Aubenas a été mon premier coup de cœur, après une analyse en profondeur de son ouvrage « Le quai de Ouistreham ». J’admirais son investissement, son indépendance, sa clairvoyance et sa détermination. En grandissant, c’est Léa Salamé qui m’a séduite. Pour les mêmes qualités, sublimées par sa carrière dans l’audiovisuel. J’admire qu’une femme accepte d’être femme, de s’habiller en femme, de se coiffer en femme, de parler au nom de la femme, dans un univers historiquement masculin. Certaines préfèrent cacher leur féminité pour assurer leur place auprès des hommes, et profiter de la même crédibilité.

(c) LN24

Le lancement de LN24 a eu lieu le 2 septembre dernier à 20h en direct du Parlement Européen. Comment avez-vous préparé cette émission très spéciale ?

CL : Ouf ! On est sur tellement de dossiers en même temps. Difficile de parler de la préparation ! L’important est d’insister sur le fait qu’on s’est amusé. C’était tout simplement délicieux. Un repas 5 étoiles, à consommer avec gourmandise, en prenant conscience de chaque bouchée, et de la délicatesse des aliments. C’était tout simplement incroyable.  

A gauche Maxime Binet/A droite Catarina Letor (c) LN24

Comment avez-vous vécu cette émission de lancement ?

CL : Une merveille. Sincèrement. L’équipe était ultra solidaire, les boss ultra bienveillants, les retours ultra positifs. On a eu des couacs, des bégaiements, des bugs, des incertitudes. Mais tout ça, ce n’est rien à côté du sentiment de plénitude que m’a inspiré cette soirée.

Quelle est la première chose que vous avez faite en sortant du plateau ?

CL : J’ai applaudi ! J’applaudis très souvent, en réalité (rire). J’ai applaudi et j’ai crié « merci à tous !! »

A gauche Catarina Letor/A droite Maxime Binet (c) LN24

En quoi LN24 bouscule t’elle le paysage médiatique belge ?

CL : C’est inédit. Une chaine d’information en continu, c’est du jamais vu en Belgique. En plus du fond, il y a la forme : le ton aussi est différent. Chaque présentateur, chaque journaliste incarne sa personnalité. Nous sommes acceptés et reçus comme nous sommes. Pas de formatage. C’est juste extraordinaire, ici. Vous avez l’habitude en France. Mais en Belgique, si on ne parle pas comme son voisin, on n’est pas un bon journaliste !

Vous avez récemment déclaré à Moustique, un média web belge « …contrairement à d’autres médias qui se servent des jeunes pour se donner une allure dynamique, LN24 est un média résolument jeune. » En quoi « LN24 est un média résolument jeune » ?

CL : Je vois que vous êtes bien informée ! En effet, c’est une question à laquelle je pense souvent, tellement je me sens privilégiée d’être entourée d’une équipe si bienveillante. LN24 est résolument jeune, tout simplement parce que ses co-fondateurs nous font confiance. Nos boss font confiance à notre jeunesse.

Notre âge n’est pas synonyme de manque d’expérience, de risque, de sous-qualité, ou de manque de pertinence. Nous avons été choisi notamment pour cette génération que nous incarnons tous à notre manière. Un ton plus franc, une exigence parfois plus crue, un regard intransigeant sur les médias traditionnels, un sincère désir de faire « différemment ». Et c’est là toute la dimension inédite de LN24.

Nos boss croient sincèrement en nous. C’est absolument magique. Au quotidien, cela représente un compagnon en or. Attention, cela ne signifie pas que nous sommes lâchés sans accompagnement. Au contraire ! Nous sommes briefés, débriéfés, réprimandés, conseillés, accompagnés. Mais si l’une de nos idées ne plait pas et qu’on parvient à l’argumenter, c’est un « ok, tu m’as convaincu, on essaie ! » que l’on récolte en fin de course. C’est magique !  

Au centre, Martin Buxant (c) LN24

Dans ce même média, Martin Buxant, a indiqué « Notre but n’est pas de traiter des chiens écrasés, mais bien de ce qui impacte la société ainsi que de réintéresser les gens à la vie politique. » Selon vous, est-ce qu’il faudrait donner la parole aux téléspectateurs sur des sujets forts et structurants, et pourquoi pas les accueillir en plateau ? Comment réintéresser les gens à la politique ?

CL : J’ai un avis très mitigé sur la question de l’implication citoyenne. Je pense qu’avant d’impliquer le citoyen dans le débat, il faut le reconnecter avec la chose politique. Inviter un citoyen qui ne s’y connait pas n’apporte rien à la discussion. Inviter un citoyen qui s’y connait, c’est inviter un militant. Là non plus, il n’y a pas de vraie plus value dans un débat de fond. Par contre, réconcilier le belge avec ses représentants, ça c’est une mission intéressante.

Comment ? En invitant les politiques à parler d’autre chose que de politique. En rappelant que chacun des visages que l’on scrute avec méfiance représente un homme, un père, un ami, un voisin, un compagnon de guindaille (fête, en belge !), un caliméro, un philosophe… Je crois qu’en apprenant à connaître les politiques, le belge pourrait se réintéresser au débat politique. Et connaitre un politique passe avant tout par lui donner un vrai temps de parole. Sur LN24, les discussions durent entre 30 minutes et 2h ! Politiques ou non, chacun s’exprime sans regarder sa montre toutes les dix secondes. Et ça aussi, c’est magique !

LN24 semble accorder une importance particulière à la place des femmes au sein de la rédaction. Pouvez-vous nous en parler, comment cela se traduit concrètement ?

CL : Tout d’abord, il y a l’équité en terme de nombre de femmes vs. nombre d’hommes. C’était un désir, évidemment. On ne peut pas se revendiquer innovant en n’engageant que des hommes ou que des femmes. Sur le terrain, c’est très simple. Il n’y a aucune différence. Les femmes et les hommes sont traitées de la même façon. Les femmes et les hommes s’entre-aident, se saluent, rigolent, se calment et se fâchent. Entre les murs de LN24, on ne s’est jamais posé la question du genre.

C’est peut-être là aussi le caractère inédit du média : femme, homme, jeune, moins jeune, … tous sont affectés aux mêmes postes, tous profitent de la même confiance et se protègent sous une bienveillance collective et réelle. Homme ou femme, nous sommes journalistes avant tout. Nous souhaitons délivrer une information qualitative. Ensemble, entre nous, hommes et femmes.  

Vous animez la tranche 12h-14h, comment définiriez-vous la formule de votre journal ?

CL : Avant tout, il ne s’agit pas d’un journal. C’est un rendez-vous quotidien. Deux heures ensemble pour deux émissions : le « Zoom de midi » et « L’invité culturel ». Lors du premier, on discute en plateau d’une thématique présente dans l’actualité mais parfois incomprise. On ne débat pas, on donne les informations aux côtés d’invités issus du terrain. C’est super intéressant, et ça fait super plaisir de pouvoir parler d’un sujet pendant 45 minutes ! Ensuite « L’invité culturel », 30 minutes en face-à-face avec un auteur, acteur, réalisateur, plasticien, etc. Une rencontre toujours très intime, voire même émouvante.

Comment se déroule une journée type ?

CL : J’arrive au bureau vers 8h30, je prépare mon midi. Je suis en direct de 12h à 14h, ensuite je vais courir (si je sais que je vais finir tard, j’ai besoin de courir pour marquer une pause !). Vers 15h30 je redémarre pour trouver les inviter du lendemain, étudier la thématique (il y a souvent beaucoup de chiffres, de dates, et d’infos à assimiler). C’est extrêmement important pour moi de me sentir à l’aise avec le sujet. On passe de l’énergie éolienne, à l’histoire du métier d’enseignant, en passant par les enfants-soldats, ou l’histoire de la Belgique. Je suis assez libre pour choisir mes sujets, en fonction de l’actualité.

Souvent je quitte vers 19h pour aller au sport. Arrivée chez moi, je rebosse un peu mes thématiques et surtout… JE LIS ! Je reçois deux à trois auteurs par semaine et je tiens sincèrement à lire leurs ouvrages en entier. Donc voilà, un programme bien chargé qui, pourtant, me donne l’impression d’être constamment en vacances ! J’adore lire, et j’ai toujours aimé étudier !

(c) Catarina Letor

Quel invité rêveriez-vous d’interviewer ?

CL : Symboliquement, Florence Aubenas et Léa Salamé, pour m’avoir accompagnée sans le savoir dans ce chemin assez singulier qu’est celui du journalisme.

J’ai souvent pensé à cette question. Très difficile de trouver une réponse précise, immuable dans le temps. Alexandra Lapierre, l’une de mes autrices favorites. J’aimerais la rencontrer, lui parler de ses héroïnes et la questionner sur la façon dont elle travaille. Je suis extrêmement admirative de ses ouvrages. En politique, c’est difficile à dire. Nicolas Sarkozy, ce serait marrant !

Vous avez comme collègue PPDA et Christine Ockrent, ça vous fait quoi ?

CL : Fierté ! Que dire d’autre ?

LN24 s’est positionnée aussi pour obtenir une fréquence radio, allons-nous vous retrouvez aussi à la radio ?

CL : Aie… on ne dit rien ! Secret défense !

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaiterait se lancer dans le journalisme ?

CL : Rêve à fond, bosse à fond, crois-y à fond, et travaille à fond ! Ça paiera. Quoi qu’en disent les personnes peut-être moins bienveillantes que tu croiseras sur ton chemin. Remets-toi en question quand il faut, reste humble mais déterminé. Et puis, amuse-toi !

Un mot pour Maxime, Martin et Joan ?

CL : Pour Maxime, Pierre, Martin, Joan, Stephane, Didier… en fait, pour toute l’équipe : Merci ! Beaucoup trop de choses à dire. Alors juste un mot : MERCI. (Peut-être deux : Mille Merci !)

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Je félicité les cofondateurs d’avoir fait le pari de la jeunesse et d’avoir osé lancer ce nouveau média. La chance sourit aux audacieux ! Je vous souhaite à tous beaucoup de réussite !

A vous les studios ! 🙂

Princess Zaza