Julien Arnaud ©TF1

Embarquée dans les coulisses de TF1, j’ai pu assister à la préparation du journal télévisé (JT) du lundi 8 août. Cette expérience unique et passionnante m’a permis de découvrir les grandes étapes d’un JT, de sa conception jusqu’au direct.

J’ai aussi pu rencontrer et échanger avec Julien Arnaud, le présentateur et rédacteur en chef du 20H en semaine pendant l’été.

Arrivée vers 17h, le travail des équipes qui collaborent avec Julien Arnaud sur le JT avait déjà commencé bien plus tôt avec une première conférence de rédaction vers 10h30/11h, précédée vers 9h00 d’une réunion avec les chefs de service, puis une deuxième conférence vers 16h.

Le premier rendez-vous est une discussion entre l’équipe du 20H, Julien Arnaud, Pascale Gonod, rédactrice en chef et Pierre Grange, rédacteur en chef adjoint, et les chefs de service. Il permet de mettre en commun les actualités que chaque journaliste a identifiées. Chacune propose son sujet et s’il est retenu, l’équipe détermine sa place dans le journal, son angle (comment on va traiter l’information ?) et sa durée.

La seconde conférence de 16h permet d’affiner la sélection des sujets retenus pour construire le JT, en fonction de l’évolution de l’actualité et des éventuelles difficultés rencontrées par les journalistes sur le terrain pour obtenir des images, des témoignages. Tout ce travail se fait dans le souci constant de l’actualité. Car on le sait, l’actualité ne s’arrête jamais : les équipes sont en veille permanente et collectent tout au long de la journée les informations qui vont faire le journal.

« Ce qui est déterminant dans le choix d’un sujet c’est son intérêt éditorial et sa faisabilité. Il y a toujours des imprévus. Cela nous oblige à prendre des décisions tout au long de la journée pour bâtir le JT. » Julien Arnaud 

Vers 17h30/18h, Julien Arnaud rejoint son bureau pour écrire les différentes séquences qui vont se succéder en plateau, en passant par l’interview de l’éventuel invité aux échanges avec le(s) chroniqueur(s). Ces sujets figurent sur « le conducteur », c’est-à-dire le déroulé du journal, qui peut être modifié jusqu’à la fin du JT si une actualité importante venait à tomber au même moment.

« L’information c’est de la hiérarchisation tout le temps. Si l’actualité l’oblige, il faut avoir une grande agilité pour reconstruire le JT ». Julien Arnaud

Il y a un gros travail de tri, d’organisation, de décryptage et de mise en perspective des sujets, classés en fonction d’une ligne éditoriale liée à l’identité du JT. Tout est finalement une question de choix. Un JT contient donc forcément une grande part de subjectivité au-delà de sa construction intellectuelle.

« Notre travail de journaliste consiste à choisir une information que l’on pense pertinente parmi toutes celles qui existent, en gardant à l’esprit qu’il faut parler à un public le plus large possible. »…

« Oui on fait des choix éditoriaux et il faut y croire, les défendre »… »Il faut aussi rendre l’information intéressante. Le traitement de l’information, à travers un reportage, un tournage..est essentiel : en télé, il faut des images et ce n’est pas toujours simple. » Julien Arnaud

Un aspect sur lequel Julien Arnaud a aussi beaucoup insisté dans le cadre de notre échange est le souci de pédagogie vis-à-vis du téléspectateur :

« Mon rôle c’est aussi de prendre par la main le public et lui expliquer pourquoi cette information est intéressante. Il faut donner du sens, contextualiser. Cela passe par la recherche du bon angle pour traiter l’information brute. L’information devient ainsi recevable, compréhensible. »… »

En même temps, il ne faut pas avoir peur de traiter des sujets techniques, que ce soit en économie, en finance ou en politique, car les gens sont très ouverts pour peu qu’on leur explique pourquoi c’est important et qu’on leur apporte un plus par rapport à leurs connaissances (et là de me citer l’exemple des Subprime)« . Julien Arnaud

Julien Arnaud n’en est pas à son premier JT puisqu’il présente le 20h en semaine pendant les vacances depuis 2012. Il en garde de nombreux souvenirs :

« Hélas l’actualité est souvent dure, triste, lourde…dans ces circonstances je m’emploie toujours à essayer d’être à la hauteur de l’information, avec à la fois le côté émotionnel, puisqu’on est forcément beaucoup touché (là il pense aux attentats), et une approche la plus équilibrée et digne possible. »…

« Les souvenirs les plus périlleux sont souvent en lien avec un problème technique. Il m’est arrivé une fois d’animer un journal en restant pendant 10 minutes sans la moindre information dans l’oreillette (l’oreillette n’est pas là pour souffler au présentateur ce qu’il doit dire mais pour lui indiquer que tout se passe bien dans le déroulé du JT). J’étais comme en apnée, je lançais les sujets sans savoir s’ils étaient prêts ! C’est un souvenir vraiment éprouvant, je me suis senti seul au monde pendant ces 10 minutes…face à 5 ou 6 millions de téléspectateurs c’est pas rien ! »

« Des souvenirs marquants j’en ai plein, notamment parmi les interviews de stars hollywoodiennes, comme le duplex que j’ai réalisé avec Will Smith ou d’ hommes politiques, comme lorsque le 1er Ministre vient sur le plateau. J’essaye à chaque fois d’être à la hauteur des attentes des téléspectateurs ». Julien Arnaud

Forcément j’ai interrogé Julien Arnaud à propos de Twitter :

« J’aime beaucoup Twitter et je suis aussi en train de découvrir Instagram. J’ai mis un peu de temps à trouver mon ton et ce que j’avais envie de raconter. Les réseaux sociaux permettent  de montrer un peu autre chose de vous mêmes, quelque chose de plus personnel et aussi d’être plus engagé dans ce que vous dites. Moi j’aime bien plaisanter et on ne le voit pas forcément sur le 20h, je m’autorise donc à quelques traits d’humour sur mon Twitter. 

« C’est aussi très sympa d’avoir un contact direct avec les gens qui vous regardent….Depuis que Don Winslow, un écrivain américain que j’apprécie beaucoup m’a répondu et suivi sur Twitter, j’ai remonté mon fil d’actualité et répondu à tout le monde ! Aujourd’hui j’interagis beaucoup plus souvent avec les gens sur Twitter. » Julien Arnaud

Julien Arnaud me confirme que dans le cadre d’une veille web, Twitter est effectivement pris en compte pour repérer des informations susceptibles d’intéresser le JT, sous réserve d’être vérifiées bien sûr !

Pendant que je continue mon échange avec Julien Arnaud, les équipes continuent leur travail pour construire le JT avec un grand professionnalisme et dans un calme apparent car finalement elles sont toutes un peu bouillonnantes à l’intérieur, prêtes à réagir sur l’actualité si besoin.

« Notre métier a un côté funambule, on avance sur le fil de l’actualité dont on est dépendant. C’est l’actualité qui commande toujours. Pour moi un bon JT c’est quand je sens qu’il y a une unité, une fluidité, une progression, quand les actualités se sont enchaînées naturellement, avec des reportages humains et de la valeur ajoutée. Qu’on a appris quelque chose au téléspectateur. » Julien Arnaud

Je découvre alors la « salle de fabrication » avec « la cabine de frappe » où le présentateur dicte à Rosine ses textes qu’elle tape sur le prompteur. Dans le couloir, plusieurs « salles de montage » dans lesquelles journalistes et monteurs finalisent les sujets.

Une fois le sujet fini c’est-à-dire mixé, il va être visionné en « salle de visionnage » par le rédacteur en chef, les chefs de service, le chef d’édition pour validation. Si le sujet n’est pas validé, le journaliste devra apporter des modifications : enlever/ajouter une image, apporter une précision, reprendre une expression pour la rendre plus compréhensible….

Vers 18h45, Julien Arnaud passe à l’habillage puis au maquillage. Là il me confie qu’il a son petit rituel avant de rejoindre le plateau.

 » Quand j’enfile mon costume de présentateur, c’est un moment très symbolique pour moi…un peu comme quand Clark Kent revêt son costume de Superman car j’ai toujours pensé que l’habit faisait le moine.

J’ai « ritualisé » le moment où je me change : quand je serre le noeud de cravate , je « verrouille »,  je passe en mode JT, et quand le générique de fin de JT est lancé, mon premier geste est de desserrer ma cravate et déboutonner mon col de chemise. » Julien Arnaud

Il est déjà 19h30, c’est le moment pour Julien Arnaud de répéter les lancements des reportages qu’il a rédigés tout à l’heure dans son bureau et d’ajuster le texte du prompteur pour être fin prêt pour prendre l’antenne.

20h. Julien Arnaud ouvre le JT. Pendant ce temps là, Fabien Gérard, le Chef d’édition, véritable chef d’orchestre du JT en régie, est en contact permanent avec le présentateur via l’oreillette. C’est un métier spécifique à la télé et au JT. Son rôle est de faire le lien entre l’éditorial et la technique.

Il s’assure que tout se passe bien, que chaque sujet est prêt et peut-être lancé. Il donne les tops pour faire partie les sujets. Le cas échéant, il informe le présentateur d’une modification du conducteur du JT via l’oreillette et fait le nécessaire pour récupérer les bons contenus qui vont illustrer le sujet. Pour l’avoir vu à l’oeuvre, je peux vous qu’il faut un sacré sans froid !

Tout de suite après la fin du JT, les équipes se réunissent pour une courte « conférence critique » de 10 à 15 minutes au cours de laquelle elles « refont le JT ». Elles débriefent ensemble ce qui a bien et moins bien marché et pourquoi, dans une démarche constructive. Puis c’est reparti pour le JT du lendemain, une nouvelle page blanche à remplir.

« Le JT c’est un miracle quotidien. C’est véritablement un projet commun autour duquel toutes  les équipes sont mobilisées. On lance des idées, des sujets le matin de manière un peu informelle puis on affine notre travail dans le courant de la journée, tout en gardant un oeil constant sur l’actualité. » Julien Arnaud.

Parce-qu’il faut bien décompresser à certains moments pour garder le recul et la fraîcheur nécessaire sur l’actualité, Julien Arnaud me confie qu’il lit énormément de polars, joue au golf et cuisine beaucoup. Le plat qu’il réussit le mieux ? Les nouilles chinoises, parce-qu’il aime beaucoup l’Asie où il a de la famille 🙂

Et si vous voulez avoir une chance de le croiser, rendez-vous sur le rooftop de la Brasserie d’Auteuil.

Un grand merci à Maylis, Caroline, Nathalie, Linda pour m’avoir permis de vivre cette expérience passionnante dans les coulisses de la rédaction de TF1. Un merci particulier à Nathalie pour sa gentillesse et sa disponibilité tout au long de la visite.

Merci également à Julien Arnaud pour avoir accepté de me recevoir, le temps qu’il m’a consacré et nos échanges très enrichissants.

Ravie également d’avoir rencontré Catherine Laborde qu’on ne présente plus et qui sait, peut-être aurais-je l’occasion de vous expliquer les coulisses de la météo dans un prochain article 😉 #StayTuned

Princess Zaza